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Merci
et à toutes et tous d'avoir supportés avec le sourir la dernière tension imposée par la déffaillance de la Société "Chiappetta srl"
et merci aux chauffeurs (Siria n°23, Lupo n°33, Cigno n°11, Falco n°17 et Sirio n°5) de Taxis Romains!
Photo de Mathieu Lecouturier
:
Piazza del Popolo
Photos de Tino
:
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RENSEIGNEMENTS
Voyage court mais peu commun.
Un seul bagage de cabine par passager, pesant moins de 10 kg et dont les dimensions n'excèdent pas 55 cm x 40 cm x 20 cm est autorisé (sac à main, porte documents, ordinateur portable, achats, appareil photo et autres doivent être placés à l'intérieur de votre bagage de cabine).
Température
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Carte de ROMA reprennant nos points d'intérêts (cliquez dessus!) :
Programme au 23.03.11
Jeudi 24.03
5:20 RDV Aéroport Charleroi
Vol n° FR6105
6:20 Départ
8:20 Arrivée aéroport CIAMPINO Roma
9:00 Autocar : transfert aéroport hotel
9:00>11:00 : Sight Seeing visite ROMA
(Via Appia Antica)
11:00 dépot des bagages
à l'hôtel "ERCOLI"
15:00 Visite
Palazzo "Farnese"
Piazza Farnese, 67
00186 Roma
17:00 Visite
Villa Farnesina
Via della Lungara, 230
00165 Roma
20:00 resto
Ai Marmi
Viale di Trastevere, 53
00153 Roma
22:30 Hotel
ERCOLI hotel
Via Collina, 48
00187 Roma, Italy
Vendredi 25.03
8:00>9:30 Pdj hotel
20:00 Resto
Betto e Mary
Via dei Savorgnan, 99
00176 Roma
22:30 Hotel ERCOLI
Samedi 26.03
8:00>9:30 Pdj hotel
13:30 Resto
Circolo Bocciofilo Flaminio
Via Flaminia, 86
00196 Roma
20:00 Apero ?
21:00
JAZZ
23:00 Hotel ERCOLI
Dimanche 27.03
8:00>9:30 Pdj hotel
13:00 Resto "Orso80"
Via dell'Orso, 33
00186 Roma
19:00 RDV hotel
19:15 Autocar : transfert aéroport
20:00 Aeroport CIAMPINO
Vol n° FR6108
20:55 Départ
22:55 Arrivée Charleroi
Suggestions :
• Visite Chiostro del Bramante
Arco della Pace, 5
00186 Roma
• Visite Santa Cecilia in Trastevere
Piazza di Santa Cecilia, 22
00153 Roma
• Visite "Villa Giulia"
Museo Nazionale Etrusco
Piazzale di Villa Giulia, 9
00196 Roma
• Visite "Chiesa Dives in Misericordia" Richard Meier
Largo Terzo millennio 8
00155 Roma
• Visite "MAXXI"
Museo Nazionale delle Arti del XXI secolo
via Guido Reni, 4A
00196 Roma
• Visite "Citta della musica" Renzo Piano
viale Pietro de Coubertin
000196 Roma
• Visite Fondazione G. Scelsi
LE VOYAGE D'ITALIE
Dictionnaire amoureux
de Dominique Fernandez
éd. PLON, 1997
Rome 1
Le mythe
Dans l'imaginaire des peuples. il y a des villes légères et d'autres qui sont perçues comme lourdes. Légère Bruges, avec ses maisons de dentelle rose et son beffroi aérien; légère Venise, avec ses gondoles à la
proue finement découpée et ses rosaces de pierre; légère Cambridge,
avec ses chapelles flamboyantes et sa rivière ombragée de saules; légère
Amsterdam, avec ses cercles de canaux et ses façades à pignon; légère
Lübeck, avec ses sept clochers pointus. Lourde au contraire Munich,
dont les bâtiments sans grâce semblent nourris à la bière; lourde Paris,
pesamment ancrée sur les rives de la Seine; mais plus lourde que toutes,
celle qu'on appelle l'Urbs par excellence. la Cité éternelle, comme si elle
résumait dans ses monuments l'histoire de l'humanité, comme si sur ses
pierres plusieurs fois millénaires pesait le poids de tant de siecles.
La Rome païenne nous a légué les édifices les plus massifs que
l'homme ait jamais conçus: Colisée, Thermes de Caracalla. La Rome
chrétienne a multiplié les coupoles, dont la plus haute, la plus grande et
la plus célèbre, celle de Saint-Pierre, donne bien l'image d'un couvercle
posé sur l'agglomération. Les villes légères sont des villes de clochers ;
les villes lourdes sont des villes de coupoles. Le clocher monte et perce
le ciel ; la coupole étouffe. A la force ascensionnelle du clocher s'oppose
la pesanteur du dôme. Le clocher, qui peut revêtir plusieurs formes, qui
peut être carré ou pointu, se terminer par une lanterne ou par une flèche,
le clocher est varié, changeant; la coupole est toujours la même, sa forme
ronde est définitive. Le globe symbolise la perfection: une ville coiffée
d'hémisphères est comme serrée à jamais dans le corset d'une discipline.
Peu de clochers à Rome, peu de liberté dans cene ville. Qu' il s'appelle
empereur, pape ou Duce, il y a toujours quelqu'un pour confisquer le
pouvoir, donner un coup de poing sur les têtes et rappeler aux Romains
qu'ils doivent obéir. De toutes les villes d'Italie, qui ont conquis si tôt
leurs libertés municipales, et les ont exprimées sous forme de tours et de
clochers (rappelons-nous la rivalité de Florence et de Sienne, et la lune
en hauteur des deux beffrois), Rome est la seule qui se soit tout de suite
et pour toujours inclinée devant l'autorité, la seule qui ait laissé écraser son front sous le poids des coupoles.
Et pourtant ... Plaçons-nous sur le pont Saint-Ange et regardons le château
qui pane le même nom, bien qu'il s'agisse du mausolée que s'était
fait construire l'empereur Hadrien: masse cylindrique et pesante, où semblent se donner la main, dans la même volonté de faire lourd et
solide, la Rome antique et la Rome chrétienne. Mais, dans le champ de
notre regard, qu 'apercevons-nous qui nous déconcerte et nous trouble?
Une double rangée d'anges, hissés sur le parapet du pont, et comme en équilibre instable au-dessus du fleuve. Vacillants et précaires, ceux-ci,
autant que le château paraît robuste et taillé dans l'éternité. Ces statues,
qui sont du Bernin ou d'élèves du Bernin démentent absolument l' idée
d'une Rome figée et corsetée sous la loi : pour un peu, défiant la pesanteur
du matériau. elles déploieraient leurs ailes et s'envoleraient pour de
bon. Alors ? Où est la vérité de Rome ? Dans l'obéissance ou dans la
rébellion? Cette ville qu'on dit lourde n'a-t-elle pas dù se donner du lest
pour combattre une propension innée à la légèreté? Sans les couvercles
dont elle s'est coiffée, aurait-elle réussi à durer? A voir tous ces anges
du pont Saint-Ange, mais aussi tous les autres suspendus aux autels des églises ou accrochés comme par miracle aux saillies d'une façade, à se
tordre le cou pour les suivre dans leurs poses acrobatiques, dans leurs
virevoltes périlleuses, on se demande si les dômes et les coupoles de
Rome n'ont pas été nécessaires à la survie de l'Urbs.
Ville de pierres, semble-t-il au premier abord. Nulle part ailleurs on
n'éprouve le sentiment physique de la pierre comme à Rome : à cause
de toutes ces ruines qui découvrent, si l'on peut dire, le matériau à l'état
brut. A Part, à Londres, on regarde des maisons. des monuments:à Rome on regarde des troncs de colonnes, des blocs de marbre, des socles
de travenin. Une promenade dans le Forum est une promenade au
royaume des pierres. Chaque vestige, en vieillissant, a pris une beauté propre, est devenu lui-même monument, indépendamment de la fonction
qu'il occupait lorsqu' il n'était qu'un élément dans un ensemble
architectural. A Paris, à Londres, les pierres n'ont qu'une fonction; à Rome elles onl un être. Elles vivent par elles-mêmes, autonomes, splendides, avec leur grain, leur couleu, leur odeur. Cette colonne, par exemple, du temple de Vesta dont le temps a effacé les cannelures, révèle
l'intérieur de son marbre : elle est comme retournée à son origine, à l'époque immémoriale où elle n'était qu'un fragment de montagne, avant
tout effort des hommes pour la sculpter. La pierre romaine est retournée à son état informel: voilà ce qui nous émeut tant. Et que dire des murs
dont beaucoup ont survécu alors que le reste de l'édifice s'est écroulé? Murs sans plus aucune utililé, murs absolus comme celui de la Villa
Adriana, qui se dresse au milieu des oliviers, et chante aux portes de
Rome le combat fraternel du minéral et du végétal. Voûtes de la basilique
de Maxence, arcs effondrés des Thermes de Caracalla, rougeoiements de
briques d'Ostie, masse écrasante du Colisée ou simples débris dans un
pré de gazon, les pierres de l'Urbs parlent le langage rude des forces
telluriques primordiales. Les visiteurs, attirés par les prestiges d'une
grande civilisation, se doutent-ils qu'ils prennent un bain de jouvence au
sein des éléments?
Pour s'en convaincre, ils n'ont qu'à s'interroger sur une autre présence
caractéristique de Rome: l'abondance des fontaines. Cette ville dominée
en apparence par la pierre n'appartient-elle pas secrètement à l'eau?
Réfléchissons un moment sur l'étrange rapport que Rome entretient avec
son fleuve. Si elle avait voulu le rayer de sa cane, elle ne s'y serait
pas mieux prise. Le Tibre traverse l'Urbs mais en cachette, presque
honteusement, Penchez-vous au-dessus des parapets : vous ne verrez
aucun flâneur sur les berges. Descendez sur les quais: vous serez frappé de les voir aussi négligé, aussi abandonnés. On ne les a jamais aménagés.
Boue, mauvaises herbes, détritus, ils servent de dépotoir. La Seine
est liée intimement à l'histoire de Paris: elle fait partie de sa mythologie.
Le Tibre ne compte pas dans la mythologie de Rome. Pasolini, certes, a
choisi les quais du Tibre pour faire jouer à ses ragazzi plusieurs scènes
importantes de leur vie turbulente et marginale: mais une vie marginale,
justement, et le Tibre fut élu en tant que lieu périphérique, étrangerà Rome. Une sorte de banlieue. Aujourd'hui, les seuls clients de ces berges
sinistres sont les drogués: le long des escaliers d'accès et sur les pavés,
vous marcherez sur des couches de seringues. Le Tibre continue à être
exclu de la vie diurne et chaleureuse de Rome. La seule époque où il ait
compté dans l'histoire de l'Urbs est la période de l'Antiquité oû la ville était encore un port : les navires remontaient de la mer jusqu'au pied de
l'Aventin, à l'endroit où se trouve maintenant le marché aux puces de
Porta Portense. Les premiers Juifs, les premiers chrétiens, saint Paul,
saint Pierre débarquèrent ainsi par le fleuve: mais, notons-le bien, ils
débarquèrent aux portes de Rome. Même alors, le Tibre n'était animé,
vivant, qu'une fois sorti de la ville. Les Romains n'ont jamais voulu de
leur fleuve, telle est la vérité.
Pourquoi? Parce que l'eau, de toutes parts, par tous les trous de son
sol, menaçait déjà de l'inonder, de la noyer. Que de noms ingénieux ont
eté donnés aux fontaines de Rome pour essayer de cacher la réalité du
péril aquatique 1 Abeilles, Triton, Tortues, Maure, Coquilles: évocations
d'animaux pittoresques, de formes exotiques, comme s'il fallait à tout
prix faire travailler l' imagination et s'éviter de penser à ces centaines de
sources jaillissant du sous-sol de Rome et prètes à la submerger. Entre
la pierre et l'eau, qui vaincra? Symbole de cette lutte jamais terminée:
la fontaine dite « Barcaccia » (Barque défoncée, Barque en péril) connue
du monde entier puisqu'elle se trouve place d'Espagne, en bas du célèbre
escalier. D'habitude, une fontaine est faite pour contenir l'eau. Contenir
dans les deux sens; dans le sens de : être remplie de ; et dans le sens
de : empêcher de déborder. Toutes les fontaines du monde marquent
ainsi le triomphe de la pierre sur l'eau.
Toutes les fontaines sauf la Barcaccia,
où c'est le contraire qui se produit. La vasque de pierre est taillée
en sorte que l'eau en déborde de partout: on dirait une embarcation en
train de couler. Ici, la pierre n'a pas réussi à emprisonner l'eau. L'eau
victorieuse affirme sa suprématie sur la pierre. l'élément fluide et léger
l'emporte en chantant sur l'élément solide et lourd.
L'auteur de cette fontaine? Pietro Bernini, le père de l'illustre sculpteur-
architecte. La Barcaccia inaugure, en quelque sorte, l'âge du
baroque. Gian Lorenzo, le fils, qui inventera le style baroque et l'imposera à Rome, ne fera que traduire en mille idées accessoires l'idée fondamentale
du père. Qu'est-ce que le baroque, en effet, sinon la défaite du
stable, du robuste. du permanent, devant l'instable, le précaire, le variable?
On s'étonne seulement que ce style, qui convient si bien au génie de
Rome, ait attendu le XVII° siècle de l'ère chrétienne pour exploser. Ou
plutôt on se dit que ce style n'a été refoulé si longtemps que parce que
les Romains essayèrent par tous les moyens de se protéger contre le
vertige, contre l'excès d'émotion, contre les pâmoisons de l'esprit et des
sens, contre tout ce qu'ils sentaient fermenter en eux-mêmes. Hommes
de l'eau, du mouvement. de la dispersion, ils ont réussi pendant les dix-sept
premiers siècles de l'ère chrétienne et tous les autres de l'ère païenne à donner le change sur leur véritable nature.
Mais ensuite, quelle revanche! Quel déferlement d'extravagances et
de bizarreries ! Quelles débauches de stucs et de marbres dorés!
Combien d' anges, déséquilibrés au bord d'une corniche ou prêts à s'envoler
d'un pilastre, emplissent Rome du bruissement de leurs ailes?
Combien d'églises y déploient des façades ondulantes, toutes en courbes
et en contre-courbes, comme Sainte-Agnès de Borromini, Saint-André-du-
Quirinal de Bernini, Sainte-Marie-de-la-Paix de Pietro da Cortona?
Bernini, en tordant le bronze du baldaquin de Saint-Pierre, parvint meme à vaincre la resistance de ce matériau entre tous pesant et rigide. La
sagesse, l'austérité, la dignité classique de Rome? Pieux mensonge, oui,
pour dissimuler la folie de cette ville qui, bien avant que Fellini ne la
filmât en images délirantes, confiait au père Andrea Pozzo le soin de
peindre au plafond de Saint-Ignace un trompe-l 'oeil si fallacieux qu'on
croit avoir sur la tête non pas une voûte affresquée, mais le ciel lui-même.
Et pourtant ... (On n'arrête pas, en parlant de Rome, d'interrompre un
développement par un (« et pourtant », qui n'est pas ici la formule de
rhétorique habituelle, mais le signe des nombreuses contradictions
romaines.) Et pourtant l'art de la Renaissance, l'art (« classique» n'a-t-il
pas trouvé son apogée à Rome, avec les grands travaux de Bramante, de
Raphaël et de Michel-Ange? La Villa Borghese, sous son apparence
paisible de grande demeure patricienne, abrite un mélange détonant de
chefs-d'oeuvre. On a rassemblé là quelques-unes des meilleures sculptures
de Bernini - David, le Rapt de Proserpine, Apollon et Daphné-,
starues qui exaltent le mouvement, la métamorphose, mais aussi la Déposition
de Raphaël, l 'Amour sacré et "amour profane de Titien, toiles
où triomphent l'équilibre de la composition et l'harmonie des couleurs.
Seulement, il faut se souvenir que n'étaient romains ni Raphaël, venu
d'Urbino, ni Titien, originaire de Venise, ni Michel-Ange, accouru de
Florence, ni aucun des grands artistes de l'âge classique, appelés à Rome
par les commandes pontificales et peut-être aussi par l'illusion, commune
aux voyageurs, de rencontrer ici la patrie de la sagesse et de la mesure.
C'est toujours un sujet d'étonnement, de penser que Rome n'a produit
pour ainsi dire aucun grand homme: elle attire les artistes et les écrivains,
mais reste elle-même inféconde. A tous les siècles de l'ère
moderne, on trouve, pour faire la gloire de cette ville, presque exclusivement
des non-Romains, qu'ils soient italiens ou non-italiens: étrangers
au même titre, qu'ils s'appellent Michel-Ange ou Poussin, Canova ou
Thorvaldsen, Ungaretti ou Keats, Pasolini ou Zola. Paris a eu Balzac,
Saint-Pétersbourg a eu Dostoïevski, Londres a eu Dickens, Rome attend
encore son romancier. Le sol de l'Urbs n'est-il vraiment qu'un lit de
cendres? Du Bellay, Mme de Staël auraient-ils eu raison de ne voir dans
Rome qu'une cité funèbre d'urnes, de cyprès et de tombeaux?
Ne les croyez surtout pas. Comparer la Rome d'aujourd'hui à la Rome
antique, et déplorer la décadence de l'une par rapport à l'autre, a toujours été l'exercice favori des littérateurs; mais un exercice justement, un jeu
rhétorique pratiqué aux dépens de la vérité. Il est frappant de constater
que ni Mme de Staël ni Chateaubriand n'ont voulu prêter attention à la
vîlle baroque de Bernini et de Borromini; même à Stendhal, observateur
tellement plus fin, ce témoignage éclatant de vitalité a échappé. Il faut
cesser une bonne fois de reprocher à Rome de n'être plus à la hauteur
de ce qu'elle était dans l'Antiquilé. Cette obsession de la grande ancêtre
a tourné la tête à Mussolini: voulant faire du « romain », il n'a reussi
qu'à construire ces belles bâtisses, mais blanches, froides et mornes, de
l'EUR. La Rome vivante, vraie, chaleureuse se rit de cene nostalgie
mégalomane. Elle s'installe aux tables du Transtevère devant un verre
de vin blanc de Frascati, elle flâne sur les marches de la place d'Espagne,
elle va applaudir le pape devant Saint-Pierre, elle se laisse bercer entre
les colonnes que Bernini a pris soin d'arrondir sur la place comme des
bras humains. Et surtout, elle a le génie de l'irrespect et de la métamorphose.
Les temples païens? Ils ont fourni les pierres pour les églises chrétiennes.
Bramante fit détruire la basilique de Constantin pour entreprendre
la reconstruction du Vatican. Bernini trouva au Panthéon le
bronze nécessaire aux colonnes du baldaquin. Peu s'en fallut, à la fin du
XVI° siècle, que le Colisée ne fût transformé en filature, avec des logements
pour les ouvriers. Profanations ? Scandales? Ou au contraire
preuves de vitalité créatrice? Les époques qui placent au premier plan
- comme la nôtre - le souci de la conservation sont des époques musées.
A Rome, de tout temps, on a rasé pour rebâtir, on a modifié pour moderniser.
Exemple: les obélisques. L'empereur Auguste en avait rapponé une
quarantaine d'Egypte, en signe de ses triomphes et de la suprématie de la civilisation romaine. Oubliés ou détruits pendant le Moyen Age, ils
gisaient à l'abandon, quand le pape Sixte Quint, à la fin du XVI° siècle,
eut l'idée de les relever. Mais aussi de les transfonner. Le premier fut
inauguré en grande pompe au milieu de la place Saint-Pierre. On fixa
une croix au sommet du monument, et le cardinal-évêque de Rome prononça
les paroles rituelles:
- Je t'exorcise, ô créature de pierre, au nom de Dieu tout-puissant...
Afin que tu deviennes pierre exorcisée pour soutenir la Sainte Croix, afin
que tu te laves de toute souillure du paganisme, et afin que tu résistes à tout assaut des esprits maléfiques.
La cérémonie d'exorcisme recommença pour les trois obélisques de
l'Esquilin, du Latran et de la place du Peuple, ainsi que pour les deux
colonnes, de Trajan et de Marc-Aurèle, également relevées par Sixte
Quint. Au siècle suivant, on continua à redresser obélisques et colonnes,
mais en renonçant aux exorcismes. Rome compte peu de clochers, mais
une douzaine d'obélisques et une demi-douzaine de colonnes. Celui de
la Trinité des Monts, en haut de la place d'Espagne, symbolise mieux
que tous les autres le doigt de Dieu pointé vers son royaume.
Le ciel serait pour vous un espace vide, il reste, avec ou sans Dieu, le
ciel. Les sept collines de Rome sont autant de balcons ouverts sur l'azur :
nulle part ailleurs la voûte céleste n'est si présente, nulle pan les couchants
ne rougeoient avec une telle splendeur.
Déjà la nuit en son parc amassait
Un grand troupeau d 'éloiles vagabondes.
Du Bellay ne connaissait pas encore Rome lorsqu'il écrivit ces vers
de l'Olive; un poète qui frémissait avec cette intensité tendre aux mystères
du firmament n'était-il pas fait pour vibrer aux nuits, aux aurores,
aux crépuscules de Rome?
Et les étoiles brillaient ... et la terre
embaumait ... La porte du jardin
grinçait ... Un pas effleurait le sable.
Elle entrait, parfumée,
elle tombait dans mes bras.
Oh ! doux baisers, ô caresses langoureuses.
tandis que, tout tremblant,
je la dégageais de ses voiles ...
A jamais s'est enfui mon rêve d'amour ...
Giacosa et Illica, les deux librenistes de Tosca, n'étaient certes pas
aussi bons poètes que le mélancolique auteur des Regrets, mais dans
leurs vers naïvement sirupeux on trouve tout ce qui fait le charme de
Rome, tout ce qui émeut dans Rome: les étoiles, les parfums. les jardins
... Puccini venait de Lucques, Rome n'étant capable de produire ni
grands compositeurs, ni grands peintres, ni grands écrivains. Chose plus
curieuse à remarquer, Rome n'a servi de décor qu'à un très petit nombre
d'opéras. Venise, Paris, l'Egypte ou même la Suisse ont fourni au théâtre
lyrique leurs rues, leurs déserts ou leurs montagnes, mais les collines, les
palais, les ruines de Rome ne semblent avoir eu qu'un effet décourageant.
Il fallait l'habileté, le flair commercial de Puccini pour faire un opéra « romain », comme il ferait un opéra «japonais», un opéra «américain», un opéra « chinois ».
Le choix des lieux de Tosca est typique: on le dirait dicté par une
agence de voyages, afin que le plaisir musical se double pour le spectateur
d'une sorte de jubilation touristique. Ne l'emmène-t-on pas visiter,
non seulement trois des plus prestigieux monuments de la Ville éternelle,
mais trois monuments qui reflètent chacun une des trois périodes
majeures de l'histoire et de l'art romains?
Premier acte: l'église S. Andrea della Valle, chef-d'oeuvre de l'âge
baroque. Deuxième acte: palais Farnese, gloire de la Renaissance, où le
paraphe final de Michel-Ange (le dernier étage) exalte le robuste travail
de l'architecte San Gallo. Troisième acte: la terrasse du château Saint-Ange,
apogée du génie antique. A mesure que, d'acte en acte, monte
la fièvre musicale à mesure qu'il s'identifie plus étroitement au destin
pathétique de Floria et de Mario le spectateur remonte d' âge en âge vers
l'origine même de la perfection en architecture selon le cliché qui veut
que l'Antiquité ait posé le modèle insurpassable de tout art, la Renaissance
ne valant que par l'imitation de l'Antiquité, et l'art baroque illustrant
la décadence des temps modernes.
Quand Mario chante sa dernière cantilène tout concourt donc à porter
notre émotion à son comble: la nuit parfumée, la conscience de nous
retremper à la source de la civilisation, l'euphorie d'un air magnifique,
la mélancolie d'un amour brise ... Amour? Non: plutôt amore, ou même
amor, sous sa forme elidée, plus chère aux musiciens, employée, pour la
première fois, par Monteverdi. Pas de chance pour le spectateur français,
qui perd le jeu de lettres, l'équivalence entre AMOR et ROMA. ROMA, contrepartie géographique d'AMOR. ROMA, capitale d'AMOR. AMOR, inversion
troublante de ROMA.
Tout s'éclaire, désormais: la « frivolité» romaine, fustigée par les
polémistes qui, de Dante à Fellini, accusent l'Urbs de n'être qu'une sentine
de vices, une Babylone moderne: de même que l' «ennui» romain,
dénoncé par Chateaubriand, par Stendhal, par Zola: si l'on n'est pas
amoureux de Rome, on s'y ennuie profondément. Dès l'Antiquité, des
sanctuaires souterrains propageaient sous les monuments officiels de la
capitale des cultes interdits : tels la basilique pythagoricienne de la porte
Majeure, ou les antres naturels dédiés à Mithra, ou cette crypte consacrée à Hécate, au fond de laquelle on descendait par autant de marches qu'il
y a de jours dans l'année.
Que cherchaient-ils, ces anciens Romains, dans ces cavernes ténébreuses,
qu'espéraient-ils y découvrir, grâce à l'astrologie dont ils étaient
si friands, sinon le dernier mot, le secret ultime de l'univers, la formule
magique qui les rendrait maîtres d' AMOR ? Aujourd'hui, tous les amateurs
d'opéra savent que la réponse à l'énigme du monde, il ne faut plus la
quérir au fond de catacombes obscures, mais au sommet du château
Saint-Ange, là ou, sous le regard extasié des anges du pont, Puccini a
musiqué la sublime anagramme.
Rome II
La réalité
Ce ne fut qu'un cri d'indignation, une clameur exaspérée: Macdonald
installait un de ses restaurants place d'Espagne! Quoi. en plein coeur de
l'Urbs, dans le lieu le plus beau et le plus prestigieux du monde, avoir
permis a cette horreur américaine de hisser le pavois de la vulgarité! Il
Y a quelque dix ans, il n'était bruit, dans Rome, que de ce scandale
sans précédent. A peine arrivé, je courus voir ce que tous les journaux
présentaient comme une atrocité, une infamie. Premiere surprise : le
visage de la place d'Espagne n'avait pas changé, aucune enseigne au
néon, pas le moindre clignotement agressif, impossible même de trouver
l'endroit incriminé. Je fis en vain le tour de la place. Enfin, après un
examen plus minutieux - c'est dire si l'apparence a été scrupuleusement
respectée -, je découvris l'entrée: une simple façade de magasin, qui
ne se distingue en aucune manière de la façade du magasin de chemises
voisin, et observe l'unité architecturale de la place. Le fameux Macdonald
est caché à l'intérieur de l'immeuble. On y pénètre au bout d'un
long couloir, et il consiste en une sorte de jardin couvert, spacieux et
aménagé avec goût. En somme, il me sembla que Rome avait toutà gagner à l'installation de ce nouveau local, qui ne défigurait en rien
l'hartnonie baroque de la place d'Espagne, et donnait aux Romains l'occasion
de se restaurer en peu de temps et à bon marché.
Pourquoi ce tollé, alors? Par antiaméricanisme primaire? Je me
demandai s'il n'y avait pas un autre motif. Le Macdonald n'était ni laid
ni vulgaire, il n'attentait pas au sens esthétique des Romains. Simplement,
il heurtait profondément leurs habitudes alimentaires et senlÎmentales.
Bien plus qu'en France encore, le repas du milieu de la journée est
sacré en Italie. La vie s'arrête à une heure, et ne reprend pas avant quatre
heures de l'après-midi. Que se passe-t-il, entre une heure et quatre heures?
On rentre à la maison, on se fait plaindre, consoler et cajoler par la
mamma, on s'allable devant l'inévitable pasta, et puis, ma foi, surtout si
l'on est dans la saison chaude, on se laisse aller à un petit somme, prélude
ou conclusion de quelque divertissement érotique suggéré par la
pénombre de la chambre et le silence qui engourdit la ville. Des plaisirs
de la chère aux délices de la chair. ..
Il n'y avait pas, avant le Macdonald, de restaurant rapide dans le centre
de Rome. Les petites trattorias étaient toujours pleines, l'allente intertninable,
ce qui encourageait le retour au foyer domestique. L'installation
d'un fast food a apporté une révolution dans les moeurs. C'est le fast qui
a choqué le plus, dans l'affaire. Inviter les Romains à manger à toute
vitesse, loin de chez eux, sans espoir de sieste ni de récréation sexuelle,
c'était commettre à leur égard la pire des agressions. On voulait donc
leur arracher tout ce qui fait la douceur de la vie? Douceur qu'ils payent
d'ailleurs fort cher, par la paralysie du trafic automobile deux fois par
jour, une fois pour rentrer chez eux à une heure, une autre fois pour
retourner au bureau ou au magasin à quatre heures. Mais qu'importe !
En leur suggérant de rester sur place et d'avaler un plat tout préparé, on
avait l'air de leur conseiller d'embrasser un peu moins souvent la
mamma, on les incitait à restreindre leurs ardeurs auprès de la « fiancée» ou de l'épouse. Atteinte insupportable à leur vie privée!
Depuis longtemps, les touristes avaient tourné la difficulté, en achetant
des fruits et des sandwiches qu'ils venaient manger sur une des cent
trente-sept marches de la place d'Espagne, échelonnés le long du colossal
escalier, qui fonctionnait - et continue à fonctionner, même en hiver
pour peu que le soleil soit de la partie - comme un gigantesque fast food
en plein air. Les jours de pluie, il y a maintenant le Macdonald, et
quiconque ne tient pas à sa sieste ou n'a pas la possibilité de la prolonger
par d'agréables délassements sera heureux de profiter des services de la
firme américaine. Quant aux nostalgiques des elégances d'antan, ils peuvent
toujours se réfugier chez Babington, le salon de the à l'ancienne qui
se trouve au pied de l'escalier, à gauche de la place, symetriquement par
rapport au Macdonald. On y sert de subtiles salades, des gâteaux raffinés,
d'exquis breuvages de l'Inde ou de Chine, dans un décor hautement
british et distingué.
Par restaurants interposés, c'est la jeune, dynamique, expéditive Amérique
qui livre une guerre amicale à la vieille Angleterre surannée. Le
choc des continents s'ajoute au brassage des nations, Rome est depuis
longtemps un carrefour cosmopolite, et, passé la première stupeur, la
ville devrait s'habituer aux hot-dogs de l'oncle Sam comme elle s'est
accoutumée aux toasts de la reine Victoria. Son nom à lui seul fait de la
place d'Espagne le lieu le plus symbolique de l'Urbs. Elle tire ce nom
du palais qui depuis le XVII° siècle est le siège de l'ambassade d'Espagne
auprès du Vatican. Le célèbre escalîer lui-même a été bâti au XIII° siècle
grâce à un legs d'un ambassadeur français, et il a longtemps appartenu à la France, ainsi qu'en témoignent les lis des Bourbons qu'on voit en
bas des marches. A un angle de la place s'élève le palais de la congrégation
de la Propagation de la Foi, compagnie qui a juridiction sur
l'Afrique, l'Asie, l'Océanie, ainsi que sur les territoires orthodoxes, protestants
et musulmans d'Amérique et d'Europe. Elle compte vingt et un
cardinaux et envoie des missionnaires dans tous les Etats du globe, sauf
l'Afghanistan mahométan et le Tibet bouddhiste, fermés à toute
pénétration.
Telle est la vocation universelle de Rome, depuis que le principal des
douze apôtres du Christ en a été le premier évêque. Le Danube, le Nil,
le Gange et le Rio de la Plata, sculptés par Bernin sur la fontaine des
Fleuves, place Navone, ou le plafond de l'église Saint-Ignace, où le père
Andrea Pozzo a peint en trompe-l 'oeil les quatre parties du monde, reparties
entre les jésuites pour qu'ils y portent la parole de l'Evangile, montrent
bien que l'intrusion du Macdonald, loin d'être une innovation
scandaleuse, est conforme au génie du lieu. Preuve supplémentaire des
capacités oecuméniques dévolues à la cité de saint Pierre, l'établissement
américain n'est pas plus incongru que le cimetière des Anglais, un des
buts de promenade les plus poétiques de la capitale, les obélisques rapportés
d'Egypte et plantés sur toutes les places, ou la grande vasque en
marbre granité d'Afrique installée depuis le XVI° siècle devant la Villa
Médicis et peinte quatre fois par le Français Corot.
Dans ce melting-pot international, y a-t-il des Romains? Qu'est-ce
qu'être romain? Rome, dans l'Antiquité, avait le sens, le respect, la religion
des lois. Grandeur romaine et vigueur juridique étaient quasiment
synonymes. Or, pour des héritiers de Cicéron, pour des légataires de la
grande tradition latine du barreau, les Romains d'aujourd'hui montrent
un mépris extraordinaire de la loi, s'ingéniant par tous les moyens à tourner les interdictions. Je conseillerais à ce sujet la lecrure du Journal
romain (P.O.L., 1987) de Renaud Camus, qui a séjourné deux ans là-bas
comme pensionnaire de la Villa Médicis, et en a rapporté des conclusions
difficilement réfutables. La loi, dit-il, n'est jamais pour les Romains
l'instrument d'une harmonie sociale, « mais une désagréable pression à laquelle il est naturel de se soustraire autant qu'il est possible ». Les
rapports de force se substituent aux rapports de droit. Chacun se
demande: « Ai-je le moyen, la possibilité matérielle de faire cela?» au
lieu de se poser la question en termes de responsabilité légale. Il s'ensuit
une série de conséquences qui rendent l'existence quotidienne extrêmement
problématique et souvent pénible. Il faudrait en finir une bonne
fois avec le mythe des Italiens « gentils » et de la vie « délicieuse». En
réalité, tout est impratique et difficile à Rome, parce que chacun n'en
fait qu'à sa tête, au nom de sa sacra-sainte liberté. Montesquieu, s'inspirant
des Romains de l'Antiquité, avait établi ce principe, que la liberté de chacun s'arrête là où commence celle de son voisin. Il y a beau temps
que, par une inexplicable régression, ce principe est abandonné aux bords
du Tibre. J'ai envie de faire du bruit? J'appuie sur le klaxon de ma
voiture le plus fort possible. J' ai acheté dans un bar un beignet et je veux
me débarrasser du papier d'emballage? Je le jette sous un des pins parasols
de la Villa Borghese. Tenir la porte à une femme? Fi donc! ce
serait abdiquer une partie de ma virilité. Sans-gêne et muflerie sont les
preuves de ma souveraineté. Je ne permettrai à personne de restreindre
mon champ d'action. Rome a été jadis la maîtresse du monde, et obéirà un ordre, supporter une entrave, accepter une limitation ne serait rien de
moins que consentir à mon asservissement.
La ville est bruyante et sale, et rien n'y fonctionne de façon satisfaisante.
Retirer l'argent dans une banque est une entreprise héroïque, qui
met les nerfs à l'épreuve. Les cartes de crédit ne sont acceptées que le
matin. Pourquoi cette bizarrerie? Parce que la banque doit téléphoner
au siège central, et vérifier si votre compte est dûment approvisionné.
Autrement dit, on ne fait aucun « crédit » à votre carte, et on suppose,
soit que vous l'avez volée, soit que vous essayez d'embobiner la banque,
initiative qu'on vous prêle parce que, sans doute, un porteur romain de
carte de crédit se conduirait ainsi. Non pas pour frauder (but secondaire),
mais pour montrer qu' il est au-dessus des lois, qu'il est un citoyen « libre».
Puisque la ville est une jungle, à chacun de s'arranger et d'être le plus
fort ou le plus malin. La conquête d'un bi llet de théâtre ou d'un reçu à la poste exige des prouesses où vous laissez votre énergie, à moins que
vous ne connaissiez la " personne " qui résoudra votre affaire, l'ami de
l'ami, sans l'intervention duquel on vous fermera le guichet au nez.
Vous pestez d'abord, vous regrettez que des habitudes plus
démocratiques ne se soient pas installées en même temps que l'égalitaire
Macdonald. Et puis, peu à peu, vous découvrez le revers positif de ces
vexations quotidiennes. Comme la vie est plus amusante, dans un pays
où le fonctionnement des choses est laissé à l'arbitraire des uns, à la
débrouillardise des autres! La moindre opération pratique, qui se règle
toute seule ailleurs, par le jeu normal des institutions, demande ici du
talent. Il vous faut du talent pour vous habituer à Rome et pour aimer
Rome. Si le don vous manque, si vous n'êtes pas disposé à créer vous-même
les conditions de votre existence quotidienne, autant repartir tout
de suite. Sans loisir, sans goût de perdre votre temps, sans art personnel
d'imaginer et d'inventer, sans aptitude à tisser avec autrui des rappons
d'amitié et d'affection, inutile de rester.
A Paris, on ignore son voisin de palier, on peut habiter vingt ans un
immeuble sans échanger deux mots avec ceux qui logent au-dessus ou
au-dessous. A Rome, ou bien on dépérit dans son coin, ou bien on
devient membre d'une communauté qui vous prend en charge, vous épaule, vous réconforte, vous assiste. Les Romains fuient la solitude.
Pour apprécier la solitude, il faut être citoyen d'un Etat assez fort, qui
assure à chacun, également et anonymement, les garanties nécessaires.
Rome a deux gouvemements, mais d'Etat italien, il n'y en a toujours
pas, après quelque cent quarame ans d'Unité nationale. En l'absence
d'institutions dans lesquelles ils puissent avoir confiance, les habitants
n'ont qu'une ressource: se constituer en clans, liés par les affinités réciproques,
en mafias pacifiques. On croit souvent, lorsqu'on entre dans un
restaurant romain, que le local a été réquisitionné pour un banquet. Des
tablées de douze, de quinze, de vingt convives semblent festoyer allégrement.
Il n'en est rien: c'est la coterie qui s'est déplacée pour son repas
quotidien.
Les écrivains, à l'époque où j'habitais Rome, se rencontraient presque
tous les jours au bar du café Canova, place du Peuple. Je voyais arriver
Alberto Moravia et Elsa Morante, qui habitaient dans une rue voisine,
mais aussi Giorgio Bassani ou Pier Paolo Pasolini, qui venaient de loin.
On buvait un verre, puis on allait tous dans une petite trattoria du quartier, à moins qu 'on ne rendît visite, en bande également, à Carlo Levi
qui occupait, dans le parc de la Villa Strohlfern au-dessus de la porte du
Peuple, un atelier encombré de ses toiles et de ses manuscrits. Même
Pasolini, le farouche, le sauvage Pasolini, je ne l'ai jamais vu seul. Il ne disait rien, il fronçait les sourcils et crispait les mâchoires, mais il était
là, avec les autres, au milieu des autres. Protégé, soutenu par une douzaine d'amis.
Autre symptôme de cet instinct grégaire, qui est une nécessité à Rome,
la condition du bonheur: la saturation, permanente et exaspérante, du
réseau téléphonique. On s'appelle dès neuf heures du matin, on se
raconte ce qu'on s'est déjà cent fois raconté, pour le seul plaisir de vérifier que les autres sont là, autour de vous, de sentir leur voix, de jouir
de leur presence. Bien trompeuse, donc, est l'impression des touristes
qui, à la suite de Chateaubriand, ne jurent que par la solitude de Rome,
ne rapportant de leur voyage que des impressions de splendeur désolée. « Un homme est seul avec lui-même dès que les choses qui l'entourent
sont plus grandes que lui », a écrit le poète Giuseppe Ungareni, lequel,
né à Alexandrie d' Egypte, ne s'installa à Rome qu'à l'âge de trente-deux
ans. Il est vrai que le château Saint-Ange, les Thermes de Caracalla, le
Panthéon, le Colisée, le théâtre de Marcellus. les murs du Palatin ont
quelque chose d'écrasant. Raison pour laquelle, sans doute, les hommes
et les femmes nés au milieu de ce décor se sont arrangés pour ne jamais être seuls, pour nier toutes ces « choses plus grandes», infiniment plus
grandes qu'eux-mêmes. L'isolement deviendrait vite mortel à Rome: on
serait accablé par le souvenir de cette pompe, de ce faste révolus, par le
contraste entre la magnificence des monuments antiques et leur caducité,
par la majesté impassible de ces ruines. Stendhal, Chateaubriand, Berlioz,
Taine, Zola, Rilke, tous les voyageurs ont prétendu que Rome était une
ville ennuyeuse et triste. Par ennui, par tristesse, ils voulaient dire sentiment
d' impuissance devant les vestiges des Césars. C'est qu'ils n'avaient
pas eu le temps, ou les moyens, de s'intégrer à une des tribus qui campent
dans ce désert et le fertilisent par leurs petites sociétés nomades déambulant
de bar en bar, de restaurant en restaurant.
Vivre à Rome est très différent de visiter Rome. L'hôte de passage se
sent tout petit et perdu en face des reliques de l'Eternite. Le Français se
plaint qu'il y ait très peu de cinémas dans la capitale. C'est exact. Malgré la proximité de Cinecittà, malgré le talent des réalisateurs italiens, les
Romains se rendent rarement dans les salles obscures. Parce qu'elles sont
obscures justement, et qu'on s'y retrouve, dans les ténèbres, absolument
seul avec soi-même. Au plaisir solitaire du film, les Romains préfèrent
les plaisirs collectifs. Faute de cirques, comme autrefois, ils se contentent
du théâtre, de l'opéra. de la place publique, à condition de pouvoir y
accéder en voiture. Pourtant, dès la nuit, les rues sont vides, ce qui est
une autre contradiction. Il est très difficile de trouver à dîner après le
spectacle, et dénicher une gelaleria ouverte avant d'aller se coucher est
une autre de ces prouesses dont la répétition met votre patience à bout.
Pour ce qui est de l'horaire des locaux publics, la situation est relativement
récente. Les longues années de terrorisme, marquées par la domination
des Brigades rouges et l'assassinat d'Aldo Moro, ont détourné les Romains de la vie nocturne. Le rétablissemem de la paix civile n'a rétabli
que peu à peu les anciennes habirudes. Ajoutez à cela les exigences
des syndicats, qui obligent à tirer le rideau de fer avec une ponctualité allemande.
Le corso principal, entre la place du Peuple et la place de Venise,
rendu aux piétons, voilà qui devrait inciter à la promenade. Il n'en est
rien. Dans les lieux piétonniers de Rome, on est surpris de ne rencontrer
aucun Romain. L'escalier de la place d'Espagne, l'arène de la place
Navone grouilient de monde, mais de monde étranger. Un vrai Romain
ne sort pas à pied, ne marche pas dans les rues. L'usage des jambes
est considéré comme humiliant. Pas de bicyclenes non plus ces ersatz
dégradants du cheval. Quand on a dominé le monde, ce serait indigne de
se servir de ses muscles locomoteurs, moyen de transport réservé aux
esclaves. Ne sommes-nous pas un peuple de seigneurs? semblent-ils
dire, coincés dans leur auto au milieu d'embouteillages babyloniens, en
toisant les touristes qui se faufilent le long des murs, faute de trottoirs
qui n'existent pas puisque, à Rome, qui se respecte ne va pas à pied.
Les Romains des années fascistes ont pris, notons-le, bien des
accommodements avec les traditions républicaines de leurs ancêtres et
se sont montrés plutôt légataires des moeurs politiques de l'Empire.
Mussolini s'est emparé sans coup férir de la capitale, la fameuse « marche sur Rome» n'a été, comme on sait, qu'un voyage confortable
en train, la résistance à la dictature s'est limitée à quelques protestations
inefficaces. Si l'on songe à ce qui est advenu, quatorze ans plus tard, en
Espagne, à la guerre civile déclenchée par les ambitions de Franco, on
mesure à quel point la fibre héroïque des anciens Romains s'est affaiblie
dans notre siécle.
Les souvenirs de l'Antiquité lunent quelquefois aussi avec la
conscience chrétienne, ou, du moins, avec les conventions bourgeoises,
Renaud Camus, parmi les griefs qu'il adresse aux Romains, les accuse
d'hypocrisie sexuelle. Cet amateur de garçons n'avait jamais beaucoup
de mal à dénicher des partenaires, mais, dêclare-t-il irrité, aucun de ceux
qui prenaient leur plaisir avec lui n'admettait d'être homosexuel. Ils couchaient pour l'argent, ou par curiosité, ou par désoeuvrement, ou faute de
femme, gardant en eux-mêmes la conviction d'être de vrais maschi, et
pleins de mépris pour le gay endurci. En somme, selon ce témoignage,
les hétérosexuels ont confisqué à leur profit exclusif les promesses contenues
dans l'anagramme - et, je dois le reconnaitre, Puccini les a encouragés, par son emphase gynocentrique, à ce détournement.
On a souvent commenté la superposition des différentes cultures à Rome. Il n'est pas rare de retrouver, à l'extérieur ou à l'intérieur d'une église, des restes du temple sur l'emplacement duquel les chrétiens l'ont
bâtie, en utilisant les matériaux antiques. La même remarque peut être
faite en Sicile. Le temple de la Concorde, sur la colline d'Agrigente, n'a
même élé sauvé de la destruction que parce que les disciples du Christ,
dès le VI° siècle, l'ont transformé en basilique, en ouvrant des arcades
dans les parois de la cellule pour la mettre en communication avec le
péristyle.
La différence entre Rome et la Sicile, c'est que l'île est restée ancrée
dans le système mental du Mezzogiorno; païenne, archaïque, prébourgeoise,
malgré les rafistolages de monuments. Les ragazzi qui posaient
nus, àTaormine, devant le baron photographe Wilhelm von Gloeden, ne
s'embarrassaient pas de chichis, Rome a beau regorger de rôdeurs sur le
Pincio, de loubards qui écument les jardins du Capitole, de jeunes
canailles aux abords de la gare, de gitons sortis tout droit de Pétrone,
l'Urbs reste située à mi-chemin du Nord et du Sud. Les deux morales s'y
combattent, s'y mélangent, chacune dénaturant l'autre. C'est pourquoi
l'enchantement qu'on éprouve à Rome se teinte souvent d'exaspération,
selon qu'on ne trouve pas la ville assez européenne, pour ce que l'Europe
a de bon, ou qu'elle semble insuffisamment africaine, pour ce qu'on apprécie en Afrique.
déjà
réalisé :
Voyage "Roma Ombra"
du Jeudi 24 Mars 5:00 au Dimanche 27.03 2011 23:30
4 jours / 3 nuits
Avion A/R Belgique - Roma
Chambre de 3 pers. / 3 Pdj / 4 Repas / 1 soirée Jazz
24 personnes min./max.
acompte = inscription 200,-
versement sur 083-9903884-90
Vérification complète de vos coodonnées
le 01.03.2011
Versement solde du voyage pour le 10.03.2011
Dernière mise au point et distribution des tickets d'avion le 22.03.2011
IBAN : BE34 0839 9038 8490 - BIC : GKCCBEBB
1er Clôture des inscriptions pour 435,- le 20 décembre 2010!
2me clôture
des inscriptions pour 445,- le 20 Février 2011!
Les acomptes ne sont ni remboursés, ni échangés
Inscrits au 21.03.2011
24 personnes
Reste :0 places
Liste d'attente :
Légende du Tableau :
• = manque des données!
•• = tout est en ordre (payement et vérification de vos données)
Pour les nouveaux inscrits:
Pourriez-vous vérifier et me donner:
- vos n° de tel ou gsm et email
- de votre adresse complète
- N° de votre carte d'identité ou de votre passeport, de son lieu de publication, et date expiration (valable 6 mois après la date du retour)
- date et lieu de naissance.
Par e-mail SVPL : info@etyen.be
Merci
1/ Livret "ROMA OMBRA"
Responsables Nadia (0499/195701) et Francis (0474/545 266)
à remettre pour le Jeudi 12 Mai à l'atelier de peinture château à Uccle
Il n'y a pas de contrainte artistique juste répondre à ce qui suit :
Quantité: 30 expl./chacun
Papier: min. 120gr et max. 240gr
Format fini: Larg: 18cm x Ht: 13cm
Format visible: Larg: 16cm x Ht: 12cm
Recto: Cadre de réserve/retrait: - 0,5cm droite, dessus et dessous et - 1,5 cm à gauche
Verso (facultatif): Pour le nom et le titre En bas à gauch
Reliure: Spirale à gauche
Couvertures, Reluire: Nadia et Francis
Chaque Participant au livret en reçoit 1 expl.
2/ Soirée "ROMA OMBRA"
Distribution des livrets, expo et repas Mercredi 18 Mai à 20h
Adresse:
" In de Oude Pruim "
Chaussée d'Uccle, 87
1650 Beersel
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